Lapin
(PR) – « Petit mammifère à grandes oreilles », nous dit le Robert pour définir ce sympathique animal, dont certains, en chocolat, ont fait les frais de la gourmandise courante en période pascale… Mais ce n’est pas pour cela que le « lapin » a été choisi comme « mot » de cette semaine ; c’est parce que, même si les chasseurs n’ont plus le droit de le traquer à cette période de l’année, il pourrait bien devenir l’objet, dans l’Hexagone, d’une chasse hors du commun s’il devient… une taxe !
C’est Gabriel Attal, le jeune premier ministre français, qui l’a annoncé ce dimanche à la presse régionale française : dans le cadre d’un programme destiné à améliorer l’accès aux soins des habitants dans les régions qualifiées de « déserts médicaux », il est envisagé d’imposer une punition à celles et ceux qui ne se présenteraient pas sans excuse valable – comme à l’école – au rendez-vous convenu avec un médecin.
L’expression est bien connue, si on ne se présente pas à l’heure dite, on « pose un lapin ». Cela implique une perte de temps dans le carnet de rendez-vous du praticien, et donc une occasion en moins pour d’éventuels patients de pouvoir venir consulter. Donc, celui qui « pose un lapin » doit payer une sorte d’amende, qui a bien évidemment été baptisée… « taxe lapin » !
Indépendamment de nombre de considérations, y compris sur les moyens de recouvrement de cette taxe, il faut essayer de rechercher l’origine de l’expression « poser un lapin ». Apparemment, on doit remonter, semble-t-il, à l’argot du XIXe siècle pour lequel un « lapin » était un refus de paiement. Cela laisse mal augurer de la fiabilité de la future taxe !
Là où l’affaire se corse, c’est que, selon le très sérieux « Institut de la Langue Française », l’expression était attribuée aux messieurs qui refusaient de payer les faveurs que des dames ou damoiselles leur avaient accordées en faisant le… tapin. Par la suite, l’utilisation de cette expression sera élargie, comme le veut un exemple tiré du roman « L’Immortel » écrit par Alphonse Daudet en 1888 : « Lui n’attend que le décret de l’Officiel pour filer à l’anglaise et, après quinze ans d’un bonheur sans mélange, poser à la duchesse un de ces lapins ! ».
Les expressions consacrées au « lapin » ne s’arrêtent pas là, et nombre d’entre elles nous sont toujours familières. Il y a par exemple le « coup du lapin », qui consiste à attaquer traitreusement par derrière, au niveau du cou. On peut également dire que quelque chose ne vaut pas « un pet de lapin », ou que quelqu’un « court comme un lapin ».
Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, Antoine Furetière avait déjà son point de vue sur le « lapin » : « Les lapins de Garenne sont excellents à manger. Ceux de clapier qu'on nourrit dans des cours & dans des greniers ne valent rien ». Il ajoutait une définition qui n’est pas parvenue jusqu’à nous : « On dit proverbialement d'un Bourgeois qui a quelque nouvel habit ou parure, qu'il est brave comme un lapin escorché. »
Par contre, l’ami Antoine notait déjà que « les lapins peuplent beaucoup ». Cette constatation, qui n’a rien de désobligeant, a toutefois conduit à la réputation de « chaud lapin » attribuée à un homme qui…
Sur un navire de l’époque de la marine à voile, le mot « lapin » était interdit, parce que l’animal était censé s’attaquer aux cordages en chanvre, et donc risquer de provoquer un naufrage. Notez que le mot « femme » était aussi défendu, mais pour d’autres raisons !
Pour finir, je dirai quand même que dans le « dictionnaire amoureux » que des générations ont contribué à rédiger, « mon lapin » a toujours eu une bonne place…