Breloque
PR) – « Petit bijou de fantaisie que l’on suspend », nous dit le Robert à propos de ce dont on va beaucoup entendre parler ces prochains jours. Ah bon ? Mais oui, car si vous l’ignorez encore, nous sommes en période de Jeux olympiques, celle où l’on distribue aux vainqueurs et à leurs suivants immédiats des médailles que mes ex-confrères ont une grande tendance à transformer en « breloques », lesquelles il faut tout faire pour les obtenir et, ensuite, les arborer avec une fierté justifiée…
Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, Furetière a, bien sûr, sa définition du mot : « Bagatelle, ou petite curiosité de peu de valeur. Les curieux qui vont voir des cabinets où il n'y a point de pieces rares & exquises, disent pour les mépriser, qu'il n'y a que des breluques. »
Bien sûr, l’ami Antoine ne pouvait pas deviner l’usage que feraient de ce mot les représentants de la presse, écrite ou parlée, pour ces médailles que l’on remet à l’occasion de ces Jeux ; lesquels rassemblent l’élite des sportifs du monde entier, pour qui une de ces « breloques » est synonyme de gloire – mais aussi de récompenses pécuniaires à venir…
Parler de « petit bijou de fantaisie » pour les médailles distribuées aux Jeux de Paris est pour le moins un euphémisme ! D’abords parce qu’elles ont été créées par une des plus célèbres maisons de la place Vendôme, Chaumet, qui ne passe pas pour réaliser des bricoles. Ensuite, elles sont frappées à la « Monnaie de Paris », où, là aussi, on fait dans la qualité et le sérieux depuis des siècles.
Question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse : quelle est la facture pour les 5'084 « breloques » qui vont être décernées pendant les compétitions ? Sachant que l’un des principaux « partenaires » des Jeux – à ce niveau de dizaines de millions d’euros, on ne parle plus de « sponsor », bien sûr – est le groupe de luxe LVMH auquel appartient Chaumet, tout comme les la maison Louis Vuitton ; celle-ci fournit les superbes mallettes renfermant les médailles (que l’on a bien vu pendant la cérémonie d’ouverture, là où il ne pleuvait pas) alors poser la question revient à recevoir une réponse du genre « secret défense »…
Lorsque l’on sait que le budget total des Jeux parisiens est de l’ordre de dix milliards d’euros, on peut penser que le prix des « breloques » est une goutte d’eau comme la Seine en a beaucoup charrié vendredi soir ! Par contre, pour celles et ceux qui les recevront, leur prix est inestimable. C’est bien ce qu’ont dû se dire les milliers de sportifs couronnés depuis 1896.
Il y avait, à la fin de la cérémonie, quelqu’un qui, lorsqu’il avait reçu sa « breloque » aux Jeux de Londres en 1948 (une bonne année…) n’imaginait certainement pas que, en 2024, l’année de ses cent ans, il serait là pour transmettre la flamme à deux de ses plus brillants successeurs. Daniel Coste, cycliste sur piste, avait attendu longtemps pour recevoir une autre « breloque » que l’on distribue souvent maintenant aux sportifs, la Légion d’honneur. Il avait même confié qu’il eût aimé que ce soit le général De Gaulle qui la lui remette…
Pendant toute la durée des Jeux, on va afficher le tableau des médailles, celui qui est censé désigner la nation la plus sportive, pour quarante-trois disciplines. Les « breloqués » repartiront chez eux avec ce souvenir qui comporte, cette année, un témoignage pour le moins original, puisqu’un infime morceau de la Tour Eiffel est incrusté dans chaque médaille. Gustave Eiffel, le Dijonnais « père » de la Tour ne devait certainement pas y penser en édifiant ce qui est le symbole de Paris, voire de la France. A une époque, certains voulaient la détruire. Mais alors, comment aurait-on fait, pour les « breloques » de 2024 ?