Compromis
(PR) – « Arrangement dans lequel on se fait des concessions mutuelles », nous dit le Robert. Depuis plus de quarante jours que la France n’a plus de gouvernement, certains pensent qu’il serait peut-être temps d’arriver à un « compromis » pour trouver une ou un premier ministre. Il semblerait que ce lundi 2 septembre pourrait être le début de l’esquisse du commencement d’une solution. Du moins si l’on se réfère à l’agenda chargé du président Macron. Certes, il y en a qui refusent tout « compromis » dans lequel ils ne veulent voir qu’une « compromission »…
On ne va pas citer de noms, l’espace de cette chronique ne suffirait pas à énoncer tous les hommes politiques qui aimeraient bien mais qui ne veulent pas parce que… Parce que, tout simplement, le résultat des élections législatives provoquées par Emmanuel Macron après l’échec de son camp aux Européennes est tel que personne n’est en mesure de gouverner tout seul ! Alors, sans compromis, comment faire ?
Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, Antoine Furetière avait déjà son avis sur ce qui fait hésiter certains des « premierministrables » potentiels de 2024 : « On dit qu'il ne faut point mettre son honneur en compromis, pour dire, au hasard : qu'on ne se doit point mettre en compromis avec ses inferieurs, pour dire, avoir des paroles ou des querelles avec eux. » Voilà donc pourquoi certains préfèrent bouder dans leur coin plutôt que de s’engager franchement – il est vrai qu’en politique, il faut toujours se méfier…
L’ami Furetière avait pourtant une solution : « On dit aussi, que des élections de Prelats sont faites par compromis, lors que des électeurs ne pouvant s'accorder, donnent le pouvoir à quelques-uns d'entre eux de faire l'élection, en les obligeant par serment de choisir le plus digne. » Est-ce ce que le président Macron va essayer de faire en consultant ses deux prédécesseurs encore vivants, Nicolas Sarkozy et François Hollande ?
Si l’on en croit « Le Monde », quotidien qui se veut de référence, il serait temps d’éviter « le risque du pourrissement », et le président se voit interpeller sévèrement : « il est obligé de remettre profondément en cause son mode de présidence et le contenu de sa politique, s’il ne veut pas conduire la pays au chaos »… Fermez le ban !
Il faut dire que la France – pour son système de gouvernement surtout – n’a jamais été considérée comme un exemple en matière de compromis. Depuis 1789, la tendance a toujours été de changements assez brutaux, révolutionnaires donc, et il a fallu attendre l’avènement de la IIIe République pour que tout se passe avec moins de violences. On peut même dire que le pays a fait une parenthèse de « compromis » politique avec la IVe République, seule période où l’on a pratiqué la « coalition », mais sans beaucoup de bonheur.
Le retour du « Grand Charles » en 1958 a mis du bon ordre dans le laisser-aller de la Quatrième. En instituant le régime présidentiel de la Cinquième, l’homme de Londres – et pas de l’ombre…– a voulu assurer une certaine stabilité aux Gaulois frondeurs, à coups de « moi ou le chaos ». Ses successeurs ont su plus ou moins s’y tenir, même François Mitterrand qui avait pourtant dénoncé le « coup d’Etat permanent » de De Gaulle.
Parce qu’il s’était auto-persuadé qu’une dissolution permettrait de « clarifier » la situation, Emmanuel Macron a abouti au résultat totalement inverse, et se retrouve avec une assemblée partagée en trois tiers presque égaux et officiellement incompatibles. Il aurait dû relire « Marius » de Marcel Pagnol, où César donne la recette du Picon-bière à son fils : « Imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers »…