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Couronnement

(PR) – « Achèvement digne et complet d’une grande entreprise », nous dit (entre autres) le Larousse. C’est ce qui va se passer le week-end prochain avec l’ouverture solennelle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, cinq ans après l’incendie du 15 avril 2019 qui avait provoqué l’émotion du monde entier, avec des images spectaculaires, inoubliables. Mais, par contre, qui se souvient qu’il y a deux cents vingt ans aujourd’hui, un autre « couronnement » embrasait la même cathédrale ?


   Le 2 décembre 1804, en effet, un dénommé Napoléon Bonaparte, né le 15 août 1769 à Ajaccio, était couronné empereur dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Rien ne semblait pourtant prédestiner ce fils d’un avocat de la bonne société ajaccienne (laquelle n’était d’ailleurs française que depuis un an, après un traité qui détachait l’ile de Gènes pour la rattacher à la France) à devenir le « césar » de ce pays qui lui doit beaucoup – pour le meilleur comme pour le pire…

   A trente-cinq ans, après avoir fait étalage de ses capacités guerrières et stratégiques, après avoir reconstitué au nom de la République une sorte d’empire, il avait franchi le pas : pour assurer sa légitimité et celle de sa future descendance, il lui fallait un titre autre que celui de Premier consul, lequel n’assurait pas l’avenir, même si les échéances électorales n’étaient pas celles que nous connaissons aujourd’hui… L’opinion lui était plutôt favorable, redoutant le retour des Bourbons ; du coup, le 18 mai 1804, le Sénat déclara confier le gouvernement de la République à « un empereur qui prend le titre d’empereur des Français ». 

   Bien joué, mais il faut savoir comment faire pour que cela soit le plus solennel possible. Un seul moyen, l’onction religieuse. Oui, mais où ? Pas question, évidemment, d’aller à Reims où les rois capétiens se faisaient sacrer. Il fallait marquer une rupture avec l’ancien système, puisqu’il en avait battu sur le terrain les principaux représentants. Une seule solution se présentait : un sacre dans cette cathédrale parisienne qui avait déjà franchi plusieurs siècles, mais où les rois n’avaient pas été très assidus. Même Louis IX, Saint-Louis, avait préféré faire construire une chapelle (d’ailleurs extraordinaire) pour déposer la relique de la Couronne d’épines du Christ. Elle avait été achetée à l’empire ottoman pour une somme représentant un tiers du budget royal – la dette d’aujourd’hui ? une plaisanterie…

   Napoléon réussit un tour de passe-passe en forçant le pape Pie VII à venir le sacrer. Un événement « retransmis » sur grand écran par le peintre Jacques-Louis David,  soucieux de flatter son commanditaire. Il faut dire que, pour une cérémonie qui dura cinq heures, il eut le temps de prendre des notes, et donc d’arranger le scénario pour la postérité. Il ne représenta pas « l’auto-sacre » de l’empereur : les témoins les plus sûrs relatent que Napoléon prit la couronne sur l’autel et la posa directement sur sa tête – on n’est jamais si bien servi que par soi-même, après tout…

   Le programme des cérémonies pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame n’a rien prévu pour aujourd’hui, deux cent-vingtième anniversaire du « couronnement ». D’ailleurs, le pape François ne faisant pas le voyage, préférant l’Île de Beauté à la froidure parisienne, le président Emmanuel Macron devra se contenter de parler sur le parvis de la cathédrale.

   Il avait pourtant fait de sa volonté de restaurer au plus vite l’un des symboles de la France une sorte de « couronnement » de son action présidentielle, mais les circonstances ont, incontestablement, réduit la pompe de ce sacre…

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