Dinde
(PR) – « Femelle du dindon », nous disent avec la même sobriété les dictionnaires de référence. Alors, question : pourquoi faire de ce gallinacé femelle une sorte de « héros » de la semaine ? Elément de réponse : que va-t-il se passer ce jeudi 28 novembre 2024 de l’autre côté de l’Atlantique ? Les Etats-Uniens vont célébrer le « Thanksgiving », et à cette occasion, la « dinde » va être, à coup de millions d’individus sacrifiés, la « vedette » d’une journée sans équivalent dans notre Vieux Continent…
L’histoire commence vers 1620, lorsque des dissidents de l’Eglise anglicane débarquèrent à bord du « Mayflower » sur les côtes de ce qui n’était pas encore le futur Massachussetts. Apparemment, il s’en fallut de peu qu’ils échappent à des conditions de vie auxquelles ils n’étaient pas préparés ; heureusement, il y eut des autochtones qui leur apprirent comment cultiver, afin de se nourrir et d’assurer leur survie.
Pour remercier le Seigneur de leur avoir ainsi offert le début d’une nouvelle vie, les « pèlerins » comme ils se désignaient, organisèrent dès 1621 un jour de remerciement, le « Thanksgiving », qui devint assez vite une cérémonie annuelle. Au menu des festivités, il y eut un gallinacé que l’on ne connaissait pas vraiment en Europe, mais qui avait été, de longue date, domestiqué au Mexique.
Les premiers à en avoir ramené quelques exemplaires de ce côté-ci de l’Atlantique furent des jésuites espagnols. En France, elles devinrent dès le seizième siècle, des « poules d’inde », et si l’ami Antoine Furetière les méconnaît, son contemporain l’agronome Olivier de Serres, dans son « Théâtre de l’agriculture et mesnage des champs », dénonce « l’importun piaulement des dindes ».
Pour en revenir au « Thanksgiving Day » dont la dinde est devenue le symbole, ce jour de remerciement fut adopté progressivement par les futurs Etats de la Nouvelle-Angleterre. A l’époque, il s’agissait donc essentiellement d’un jour de prières et de jeûne, pour remercier le Seigneur d’avoir accordé à Son peuple une terre aussi généreuse. Cette tradition fut progressivement ancrée dans la vie américaine, même pendant la Guerre d’Indépendance.
Les Etats-Unis n’avaient d’ailleurs obtenu leur indépendance que depuis un peu plus de dix ans lorsque George Washington, le premier président américain décréta en 1789 le premier « Thanksgiving Day ». Le texte de cette proclamation présidentielle est, on s’en doute, essentiellement axé sur la reconnaissance divine, et il prêche (littéralement) pour le « grand degré de tranquillité, d’union et d’abondance » dont bénéficie alors le pays, grâce justement à la protection divine.
En fait, ce que l’un des « pères fondateurs » de l’Amérique ne pouvait savoir, c’est que « Thanksgiving Day » allait très vite devenir un jour « sacré »… sauf pour les dindes : les seules à bénéficier de la protection divine ce jour-là seraient les deux dindes offertes à la Maison-Blanche, et que tout président gracie traditionnellement. Car, chaque année, une bonne cinquantaine de millions de « turkeys » finissent sur la table des Américains.
De ce côté-ci de l’Atlantique, la dinde est aussi présente sur les tables de fête, notamment pour Noël, farcie de marrons. Dans les petits villages français, on comptait souvent sur le four du boulanger pour une cuisson parfaite du gallinacé ; lequel gambadait dans la ferme quelques jours plus tôt en gloussant. Et les deux intrépides gaulois qui avaient fait la « grande traversée », Astérix et Obélix, avaient bien baptisé « glouglous » ces drôles d’oiseaux – qui ne valaient pas un sanglier…