Esbroufe
(PR) – « Etalage de manières prétentieuses et insolentes », nous dit le Robert, qui ajoute comme synonymes :« bluff, chiqué, embarras ». Question traditionnelle : pourquoi ai-je choisi ce mot ? Tout simplement parce que, dans un article du très sérieux quotidien « Le Monde », j’ai lu récemment un mien confrère rappeler que Michel Barnier, le tout nouveau premier ministre français, avait demandé à ses ministres : « pas d’esbroufe, s’il vous plait ». Tout à fait d’accord, mais alors, comment faire de la politique ?
Le premier ministre avait également demandé à ses ministres, au cours d’un conseil, d’être « irréprochables et modestes ». Irréprochables, cela va en principe de soi, modestes, c’est sans doute plus difficile à tenir, et c’est cela qui, parfois, mène à « l’esbroufe », au moins pour la première partie de la définition.
Ce n’est évidemment pas spécifique à la politique française, mais il faut reconnaître qu’en ce qui concerne « l’esbroufe », le monde politique français a toujours fait preuve d’un certain talent, voire d’un talent certain. Même le fondateur de la Cinquième République, Charles de Gaulle, était tombé dans le piège. Certains se souviennent du célèbre « Je vous ai compris » proclamé depuis un balcon d’Alger, devant des Pieds-noirs ravis. Ils ne se doutaient pas que, quelques semaines plus tard, il annoncerait, à l’opposé de ce qu’ils attendaient, un référendum sur l’indépendance de l’Algérie. On est là dans un synonyme de « l’esbroufe », du genre « bluff »…
Quelque temps plus tard, l’un de ses successeurs, François Mitterrand, s’est lui aussi laissé aller à une forme différente de « l’esbroufe » en promettant quasiment le paradis au moment de son élection en 1981. La preuve, il avait même nommé un « ministre du temps libre » ! On ne sait pas, là, si on est dans « le bluff ou le chiqué ». En fait, le ministre retrouvera rapidement, lui, du « temps libre »…
Mon confrère du « Monde » s’en prenait, en fait, à l’actuel président de la République, Emmanuel Macron, qu’il soupçonne de pratiquer la « diplomatie de l’esbroufe ». On n’envisage pas, bien évidemment, que le premier ministre Michel Barnier se permettrait de faire au président la même remarque qu’à ses ministres ! Mais on peut penser que celui qui a réussi à négocier avec succès le Brexit, est au courant de ce qu’est « l’esbroufe » : il l’a vu pratiquée, notamment, par le premier ministre Boris Johnson qui, lui, répondait parfaitement à toute la définition – et nombre de Britanniques, aujourd’hui, regrettent bien de s’être laisser « esbroufés »…
De l’autre côté de l’Atlantique, il y a un personnage qui, sur de nombreux points, ressemble fort au « BoJo » britannique : Domald Trump, donc, qui pratique « l’esbroufe » à longueur de journées, en exagérant au centuple les adjectifs « prétentieuses et insolentes ». Je ne sais pas si l’on a déjà vu, dans la plupart des pays démocratiques, un prétendant à la présidence de son pays se comporter d’une manière aussi « prétentieuse et Insolente », au point que le terme « esbroufe » en devient presque insignifiant.
Quelques exemples ? S’il est élu, la guerre en Ukraine s’arrêtera en vingt-quatre heures. Sa rivale, Kamala Harris ? Elle est « cinglée », « droguée », « la pire vice-présidente que le pays ait connu » - et ce ne sont que quelques infimes citations.
Qu’en penser ? Pour Eugene Robinson, chroniqueur vétéran du « Washington Post », il est inquiétant de voir que « dans cette campagne, Trump est autorisé à parler et agir comme un dingue, tandis que Harris doit être parfaite en tout point ». « L’esbrouffe » est bel et bien dépassée…