Fil d'Ariane
PR) – « Métaphore empruntée à la mythologie grecque pour désigner ce qui sert de guide et permet de se tirer d’une situation difficile », nous dit le Larousse. Les rédacteurs de ce dictionnaire ne pensaient sans doute pas combien leur définition serait d’actualité en cette vingt-septième semaine de l’an de grâce 2024. Politiquement, d’abord, puisque la France se trouve dans une situation inédite où le fil d’Ariane sera bien nécessaire. Mais aussi « astronautiquement », puisque le lancement prévu ce mardi d’Ariane-VI doit permettre à l’Europe de retrouver sa place sur la « piste aux étoiles »…
Commençons par le commencement, avec la mythologie grecque – aucun scénariste moderne ne serait capable d’imaginer une pareille aventure… Princesse « aux belles boucles », Ariane, la fille de Minos roi de Crète, qui avait fait construire par Dédale un « labyrinthe » afin d’enfermer le redoutable Minotaure, mi-homme mi-taureau, était tombée amoureuse du beau Thésée. Pour aider ce bel Athénien, elle lui fournit un fil qu’il devra dérouler afin de retrouver la sortie. Une fois le monstre tué, Thésée ne s’arrêta même pas pour la remercier !
Une ingratitude que l’on retrouve non seulement à moult reprises dans les récits fabuleux de la mythologie grecque, mais aussi très souvent dans notre histoire contemporaine. Et pourtant, combien de fois des hommes politiques, quel que soit le pays, n’ont-ils pas dû leur survie à des collègues ou ami(e)s qui leur avaient confié un fil pour les aider à se sortir d’une mauvaise passe, mais qui, ensuite, ont retourné leur veste sans plus les regarder…
Il y a certainement quelqu’un qui aurait bien besoin aujourd’hui d’une Ariane pour lui confier un fil afin de pouvoir sortir du « labyrinthe » où il s’est enfermé tout seul, c’est le président Emmanuel Macron. Au lendemain des élections législatives qu’il avait provoquées à la stupéfaction générale, s’il a évité la catastrophe que certains lui prédisaient, il n’a pas pour autant réussi à sortir du « dédale » dans lequel vit le monde politique française depuis quelque temps déjà.
Il y a surtout une Ariane dont on attend qu’elle sorte l’Europe spatiale de l’impasse – ce n’est pas un labyrinthe, mais cela ne vaut guère mieux – où elle s’est enfermée après tant d’années de succès mérités. Elle avait réussi à faire taire tant de sceptiques quant à la capacité européenne à disposer de ses propres engins lui permettant d’accéder à l’espace, qu’il serait impensable de mettre un terme à une aventure offrant à l’Europe une perspective d’avenir évidente.
Car, après les échecs du programme « Europa » des années soixante, le projet Ariane (il avait vu le jour presque en même temps que celui d’Airbus), avait relancé le Vieux Continent vers ce que l’on peut appeler « la nouvelle frontière ». Un terme employé pour caractériser cet espace qui nous est proche, et où nous trouvons tant de services – transmissions téléphoniques, de données, météorologie, relevés scientifiques – aujourd’hui familiers et, surtout, indispensables.
Les débuts d’Ariane parurent parfois hésitants. Si le premier vol eut lieu la veille de Noël 1979 (beau cadeau), le second en 1980 fut un échec – est-ce parce que j’y assistais…? Mais l’aventure se poursuivit avec de plus en plus de succès, jusqu’à cette Ariane-V dont la réputation n’était plus à faire.
Mais voilà, Elon Musk est arrivé avec son SpaceX, et il a bousculé le monde spatial « classique » – tiens, tiens, cela ne vous paraît pas ressembler à une certaine situation politique très récente ? Du coup, Ariane a balbutié son développement. Alors, cette fois-ci, a-t-elle trouvé le fil qui lui permettra de sortir du « labyrinthe » ? On croise les doigts, réponse mardi soir…