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Ordre

(PR) – « Situation des choses suivant l'Estat, la place & le rang qui conviennent à leur nature, ou à leurs fonctions. Le Createur a placé toutes les parties de l'Univers dans un ordre convenable ». Cette définition donnée par Antoine Furetière dans son désormais célèbre « Dictionnaire universel » de 1690 est la meilleure que j’ai trouvée – n’en déplaise aux auteurs des dictionnaires contemporains – pour coller à l’anaphore qu’a utilisée très récemment le nouveau ministre français de l’Intérieur


  Si cela vous a échappé, je vous rappelle que Monsieur Bruno Retailleau, lors de la cérémonie de passation de pouvoirs pour devenir le nouveau locataire de la place Beauvau, a défini sobrement comment il voyait sa mission par trois priorités : « Rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre ». Cela avait le mérite de la concision sur la forme, quant au fond, toutes les interprétations sont possibles. Et il disait cela devant Gérald Darmanin, son prédécesseur, qui ne s’était pourtant pas forgé la réputation d’un homme de désordre en quatre ans au ministère…


   En fait, Bruno Retailleau ne faisait qu’enfoncer des portes ouvertes par d’autres avant lui. Sans remonter très loin, il y avait eu deux ministres qui avaient également claironné leur intention de mettre de l’ordre. Ce fut le cas de Charles Pasqua, qui voulait « terroriser les terroristes ». Les mois qui suivirent, avec des attentats mortels à Paris lui rappelèrent qu’il y souvent loin de la parole aux actes… Un de ses successeurs, Nicolas Sarkozy, promettait, lui, de « débarrasser de ces racailles » une cité de la banlieue parisienne. Là encore, il doit regretter ses paroles…


   La question que l’on peut se poser est de savoir quel type d’ordre M. Retailleau souhaite rétablir : l’ordre public ? De tragiques événements l’ont certes remis au premier plan récemment, mais l’expérience prouve que, pour y parvenir, il ne suffit pas de coups de menton autoritaires, mais d’une coordination longue et complexe à établir avec d’autres services de l’Etat, à commencer par la Justice. Et là, compte tenu des personnalités en présence, il y a du pain sur la planche…


   Il y a un ordre que M. Retailleau n’a certainement pas prétendu inclure dans sa brève énumération, c’est le « nouvel ordre mondial », celui qui avait été proclamé un peu trop vite à la fin de la « guerre froide ». Celle-ci avait instauré un « ordre » qui séparait le monde en deux blocs – pour faire simple, les bons et les méchants, je vous laisse désigner lesquels desquels ! Après la chute de l’Union soviétique, c’est progressivement le « désordre mondial » qui s’est instauré, et l’on ne voit vraiment pas qui pourrait remettre de… l’ordre sur la scène mondiale. Donal Trump se dit prêt à le faire s’il revient à la Maison-Blanche, par exemple en arrêtant la guerre en Ukraine en quelques jours. Mais, au vu de son premier mandat, on peut craindre qu’il ne se comporte (pour employer une expression populaire) « comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ».


  A cet égard, il y a actuellement quelqu’un qui a une notion de l’ordre très spéciale, c’est le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou : les images qui proviennent maintenant de Beyrouth nous ramènent une quarantaine d’années en arrière, à l’époque où, déjà, le Liban souffrait pour des raisons qui dépassaient la grande majorité de sa population.


  Alors, quel « ordre » connaîtra-t-on demain ? Saint-Exupéry disait bien que « l’avenir n’est que du présent à mettre en ordre ». D’accord, mais comment faire pour arriver à ce que, comme le dit Baudelaire, « tout ne soit qu’ordre, luxe et volupté » ?

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