Tragédie
(PR) – « Œuvre dramatique représentant des personnages illustres aux prises avec des conflits… », cette définition du Robert précise ensuite : « ensemble d’événements tragiques ». C’est le moins que l’on puisse utiliser pour qualifier tout ce que nous avons eu sous les yeux au Proche-Orient, depuis un an aujourd’hui. Mais l’attaque sauvage du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, n’était que le premier acte d’une « tragédie » qui, une nouvelle fois, ensanglante une terre que l’on dit « sainte»…
Lorsque j’écris ce « mot », nous sommes le 6 octobre, je me souviens qu’il y a cinquante et un ans, jeune journaliste, je voyais sur les téléscripteurs le début d’une guerre qui sera dite du Kippour – jour sacré pour le peuple juif. Cette actualité m’enverrait dans ces parages quelques jours plus tard, puis de nombreuses fois en Israël, en Egypte ou, bien sûr aussi, au Liban.
Une guerre, quelle qu’elle soit, n’est jamais une « comédie ». Mais ce que j’ai vu alors ne paraissait pas vraiment une « tragédie ». Déjà, nous n’allions pas beaucoup sur les « fronts ». Les médias télévisuels étaient moins présents, il n’y avait pas autant d’images ; les combats se déroulaient d’une manière « traditionnelle », entre armées « classiques », sans bombardements sur des villes. Dans les deux camps, les civils étaient relativement épargnés.
Tout, aujourd’hui, nous amène, par contre, aux « événements tragiques » de la définition. Le premier acte de la « tragédie » a même été scénarisé par les terroristes du Hamas, qui sont allés jusqu’à se glorifer de leurs tueries et d’autres actes de barbarie, en publiant des vidéos insoutenables. Ce jour-là, les Israéliens ont perdu plus de femmes et d’hommes qu’en aucune autre journée depuis la naissance de l’Etat juif en 1948. Le terme de « pogrom » est revenu, à juste titre, qualifier l’inqualifiable.
Le deuxième acte de la « tragédie » s’est déroulé sans « témoins » directs, puisque les Israéliens n’ont pas permis la présence de médias étrangers dans cette « bande de Gaza » qui ne sera bientôt plus qu’un immense champ de ruines. Dans cette pièce macabre qu’aucun auteur n’aurait jamais osé imaginer, les victimes ne sont même plus exactement dénombrées, même si on les sait de plus en plus nombreuses. La région n’en avait pas connu autant depuis longtemps, et elle n’a pourtant pas manqué d’autres conflits.
La « tragédie » proche-orientale en est désormais au troisième acte, avec le déplacement de la guerre sur le « front » israélo-libanais. Là aussi, pour essayer de copier le déroulement d’une « tragédie » théâtrale, les scènes se sont succédées avec rapidité et d’une intensité rare. Les acteurs principaux ont fait usage d’un maximum d’artifices, ont occupé la scène de l’actualité avec des « coups » spectaculaires. Les tragédiens du XVII siècle ne pouvaient évidemment pas mettre dans leurs chefs-d’œuvre des « bippers » ou des « talkies-walkies » qui explosent !
Comme pour toute pièce, on attend le quatrième acte. Le jour anniversaire de ce 7 octobre sera-t-il celui où l’on tapera les trois coups pour faire entrer en scène d’autres protagonistes-acteurs ? Le théâtre du Proche et Moyen-Orient a déjà connu tellement de « tragédies » avec des débuts et des fins imprévisibles que l’on ne peut aujourd’hui rien envisager avec certitude.
Une chose est certaine, les illusions que l’on pouvait nourrir sur une évolution démocratique et pacifique de la région – il y en a eu – sont écrasées sous les bombes. Je ne peux qu’avoir qu’une pensée particulière pour le Liban. Lorsque j’y suis allé la première fois, il y a plus d’un demi-siècle, on disait de ce pays qu’il était « la Suisse du Moyen-Orient ». Pour plagier Balzac, il y a bien des « Illusions perdues »…