Ébullition
(PR) – « Etat d’un liquide qui bout ; état de vive agitation, de surexcitation », nous dit le Robert. Il y a quelqu’un qui, jeudi dernier, a employé ce mot en affirmant que nous étions entrés dans « l’ère de l’ébullition ». Ce n’était pas n’importe qui, puisqu’il s’agissait d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Pourquoi disait-il cela ? Parce que l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale) venait de jeter un pavé dans le lac Léman, qui se trouve à deux pas de son bel immeuble…
Le dit pavé était attendu : le mois de juillet 2023 est le plus chaud jamais enregistré sur notre bonne vieille Terre. Et pas seulement depuis que les météorologues notent les températures sur leurs calepins puis sur leur ordinateurs.
« Copernicus », programme spécialisé européen auquel participe, bien évidemment, l’ESA (Agence Spatiale Européenne) a insisté : ces températures actuelles sont « sans précédent depuis des milliers d’années », a déclaré son directeur Carlo Buontempo – un nom prédestiné…
Notre ami Antoine Furetière, dans son « Dictionnaire Universel » de 1690, ne se souciait pas de « l’esbullition ». Elle n’était pour lui, en effet, qu’une « action par laquelle on fait bouillir »… Comment aurait-il pu imaginer, dans la fin de ce dix-septième siècle où Denis Papin venait tout juste d’inventer la machine à vapeur, qu’un jour on en viendrait à parler de « réchauffement climatique » alors qu’on se gelait dans les couloirs de Versailles ? Il n’aurait eu aucune raison de dire, comme Antonio Guterres, que ce temps du « réchauffement climatique » était terminé et qu’on passait à « l’ébullition mondiale » ?
L’affaire est sérieuse, puisque même Joe Biden, président d’un pays qui est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (donc l’un des principaux responsables de « l’ébullition ») a déclaré qu’il s’agissait d’une « menace existentielle » pour plus de 100 millions de ses compatriotes.
Alors, à quoi faut-il s’attendre avec cette « ébullition » ? D’abord à ce que cela continue ! Le phénomène « El Nino » qui a commencé dans le Pacifique ne devrait pas arranger les affaires, provoquant ici de la sécheresse, là des précipitations dévastatrices, des répercussions en Europe…
On l’a vu depuis le début de l’été, « notre » Méditerranée, le berceau de la civilisation européenne, est en train de se « tropicaliser » en affichant des températures jusqu’ici réservées à des régions situées plus au sud. Avec, en corolaire, de la sécheresse, des incendies comme en ont connu beaucoup de pays riverains de « mare nostrum », avec leurs cortèges de dévastations et, malheureusement, de victimes. Une climatologue britannique a justement estimé que ce phénomène « n’est pas que des chiffres », que ceux-ci sont des « tueurs silencieux ». La vague de chaleur de 2022 en Europe aurait d’ailleurs provoqué 60’000 morts….
En pleine période de vacances, au bord de la plage pour beaucoup, cette situation passe la plupart du temps inaperçue, ou, pour le moins, ne suscite qu’un intérêt très limité – « on en reparlera à la rentrée »… Après tout, ce n’est pas la première fois que l’on ferait la sourde oreille aux mauvaises nouvelles.
Pour en finir – provisoirement – avec cette « ébullition » qui nous menace, renvoyant le « changement climatique » au rayon des affaires dépassées, j’ai quand même retenu l’avis de Tristan Bernard sur le climat : il disait que le Paradis devrait être, à ce point de vue, souhaitable, mais que, finalement, « l’enfer est joliment plus agréable à cause de la compagnie… »