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Crèche

(PR) – « Mangeoire où l’on met le foin, le fourrage des bœufs, vaches, moutons », disait, dans son « Dictionnaire universel » de 1690, notre ami Antoine Furetière. Il ajoutait, ce qui va justifier le « mot » de cette semaine : « En termes de Devotion, se dit du lieu où fut mis Nostre Seigneur en naissant, & où il fut adoré des Rois & des Bergers ». Nous y voilà puisque, comme nous sommes entrés depuis hier dans la période de l’Avent qui précède la célébration de Noël, il faut commencer à préparer la crèche


   On peut essayer de rappeler pourquoi et  comment une « mangeoire » allait devenir le symbole de la naissance de Jésus. Joseph, son père officiel, résidant à Nazareth, devait venir se faire recenser dans la ville d’origine de sa famille, Bethléem, juste en face de Jérusalem. C’était à cause d’un édit de l’empereur Auguste, puisque Rome garantissait à l’époque la paix et la sécurité dans cette région – on ne dira rien de ce qu’il s’y passe deux mille ans plus tard…

   Donc, Joseph le charpentier part de Nazareth, en Galilée, avec sa femme Marie,  qui attendait un enfant. On peut penser qu’il embarquait madame et quelques vêtements sur un de ces bourricots qui pullulent dans tout le Proche et Moyen-Orient. Arrivé à Bethléem, pas de chance, plus de place dans les auberges. Il faut dire qu’il n’y avait pas, alors, la possibilité de réserver une chambre sur un truc qui commence par R et finit par B – je ne veux pas leur faire de publicité…

   Les évangiles, qui ne prétendent pas faire un reportage détaillé, se contentent de dire que Jésus est né dans une étable. On n’en sait pas plus, et au fil des siècles, comme il n’y avait pas eu de reportage, les versions les plus diverses se sont multipliées.

   Il y revient souvent celle d’une « grotte », où se seraient réfugiés Joseph et Marie, à défaut d’avoir trouvé une place dans un établissement capable d’accueillir une jeune femme sur le point d’accoucher. On peut, à cet égard, souligner que la Basilique de la Nativité, à Bethléem, est édifiée sur une grotte – même si sa véracité historique n’est pas garantie…  Mais alors, comment expliquer que la « crèche » soit très vite devenue le symbole de la Nativité ? Antoine Furetière avait son explication, c’’était là « où Dieu voulut naistre, pour nous apprendre l’humilité ». Au début du treizième siècle, un religieux du nom de François, né à Assise, avait demandé au pape de l’époque l’autorisation de représenter d’une manière « vivante » cet événement important pour la chrétienté.

   A partir de cette première, on passa progressivement des « crèches » humaines aux « crèches » où les personnages étaient représentés par des figurines plus ou moins grandes. Il y eut même, parait-il, des « crèches » mécaniques qui berçaient le Petit Jésus…

   Partie d’Italie, la coutume des « crèches » allait gagner une bonne partie de l’Europe. La Révolution française, à la fin du dix-huitième siècle, allait donner un tour nouveau à cette pratique : en interdisant la messe de minuit, les révolutionnaires favorisèrent la « privatisation » des « crèches ». Marseille se rebella et ce fut le début des « santons », ces petites figurines qui font la fierté de toute la Provence.

   Là, plus question de représenter seulement Joseph, Marie et le Petit Jésus, avec l’âne et le bœuf, mais on fait vivre toute la vie quotidienne. «L’argile est aux mains du santonnier ce qu’est l’homme dans les mains de Dieu», écrivait le poète Frédéric Mistral. « Cela se vérifie » ajoutait-il, « dans les crèches des familles de France depuis plus de deux cents ans : bergers, pêcheurs, mendiants, rémouleurs, lavandières, chiffonniers, les santons de Provence forment un peuple de «gagne-petit» qui s’anime la veille de Noël. » 

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