Onze
(PR) – « Dix plus un, adjectif numéral cardinal invariable », nous dit le Larousse, et le Robert n’a pas d’autre définition à proposer. Alors, certes, nous sommes le 11 septembre 2023, mais pourquoi avoir choisi ce « mot » ? Je vais avouer que j’avais envie de vous demander quels souvenirs vous auriez de jours en « onze »… D’accord, il y a le 11 novembre 1918, la fin de la première boucherie européenne (mais c’est vraiment du passé). Mais ensuite ? Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire.
En fait, c’est la mienne qui, pour une fois, fonctionne en me remémorant des moments importants de ma vie professionnelle, avec ses multiples facettes.
Commençons par il y a juste un demi-siècle aujourd’hui, le 11 septembre 1973. Loin, très loin de notre vieille Europe, celui que je baptiserai plus tard dans mes éditoriaux de « sinistre général aux lunettes noires », un dénommé Augusto Pinochet, chef d’état-major de l’armée chilienne de son état, lançait ses forces armées contre le président socialiste Salvador Allende.
De cette journée, il reste une photo symbolique où l’on voit Allende coiffé d’un casque dont la jugulaire lui pend sous le menton, armé d’une kalachnikov avec laquelle il mettra fin à ses jours quelques minutes plus tard. Ce 11 septembre 1973 sera suivi, en Amérique du Sud, par d’autres « golpe », en Argentine notamment, dont les conséquences sont loin d’être effacées…
Huit ans plus tard, le 11 décembre 1981, c’est un autre « sinistre général aux lunettes noires », Wojciech Jaruzelski, qui mettra la Pologne sous l’éteignoir et privera le correspondant de notre journal, mon ami Henryk Kurta, de toute possibilité de nous faire vivre la fabuleuse aventure qui avait été déclenchée par le Solidarnosc de Lech Walesa.
Mais surtout, le 11 septembre est un jour qui a vu en 2001, le monde être sidéré par des attentats que le plus créatif des auteurs de science-fiction n’aurait jamais pu imaginer. Cela vous revient maintenant ? Comme la plupart des habitants de la planète, vous n’avez certainement pas vu en direct le B 767 d’American Airlines se fracassant contre la tour nord du World Trade Centre – symbole de la puissance financière des Etats-Unis.
Mais vous avez peut-être suivi le deuxième avion percutant la seconde tour, et celles-ci s’effondrant ensuite dans des volutes de fumée spectaculaires. La suite du 11 septembre 2001 appartient à chacun d’entre nous. Et vous vous souvenez certainement des conditions dans lesquelles vous avez appris et réagi à cet événement sans précédent. En ce qui me concerne, j’ai vécu quelques jours plus tard sans doute les plus longues minutes de ma vie. Les associations d’aéroports du monde entier avaient décidé d’observer, le 14 septembre, à midi, trois minutes de silence en mémoire des victimes. Il m’appartenait, à l’aéroport de Genève, d’annoncer cela aux passagers et personnels par le biais de la sonorisation générale. Le silence se fit effectivement, et je dois avouer que ces180 secondes furent très, très longues…
Je ne suis pas spécialiste du football, mais je sais au moins qu’il y a onze joueurs de chaque équipe sur le terrain ! Je n’ai aucune idée, je l’avoue, si un événement footballistique a pu avoir lieu un 11 – le titre français, en 1998, c’était le 12 juillet ! De toute façon, je ne vais pas chercher la petite bête dans ce domaine, et risquer de devenir un « escornifleur », puisque l’ami Antoine Furetière disait, dans son « Dictionnaire universel » que l’on dit « proverbialement d’un escornifleur qu’il va chercher midi où il n’est que onze heure… »