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Rouge

(PR) –  « De la couleur du sang, du coquelicot, etc., couleur placée avant l'orange dans le spectre de la décomposition de la lumière », nous dit le Larousse. Vous allez me demander : mais pourquoi en faire le « mot » de cette semaine ? Eh bien parce qu’en allant fureter (salut à l’ami Raoul, les anciens du journal comprendront…) dans la liste des « Journées internationales », j’ai découvert que le samedi 29 juillet était celle du « rouge à lèvres ». Je ne pouvais pas rater cela…


   Le rouge a été mis, si l’on ose dire, à toutes les sauces. Et cela depuis longtemps, puisque les premières peintures rupestres utilisaient déjà du rouge, plus exactement de l’ocre qui se trouvait assez facilement et permettait également de teindre des tissus.

   Très vite, le rouge est devenu la marque du pouvoir, de la souveraineté, et les teinturiers des époques antiques et médiévales savaient utiliser les pigments qui étaient à leur portée. Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, l’ami Antoine Furetière dresse un répertoire très complet des manières de teindre des tissus pour qu’ils soient de cette « couleur éclatante qui est propre à representer le feu ».

  Il s’en suit une merveilleuse énumération de « sept sortes de bon rouge » – il ne parlait pas de vin, bien évidemment… On y retrouve des mots qui fleurent bon la langue française d’il y a quelques siècles, comme « l’escarlate de France ou des Gobelins, qui se fait avec de l'agaric, du pastel, & graine d'escarlate, » ; ou encore le « rouge de garence qui  est la couleur de chair, de peau ou peleure d'oignon, fiamete, isabelle, couleur de tuile, incarnat & ginjolin. ». Ce « rouge de garence » fut celui dont on avait teint les pantalons des soldats français en 1914, lesquels devinrent des cibles faciles pour leurs adversaires prussiens lors des premiers temps de cette interminable guerre, et l’on passa alors à un « bleu horizon » moins voyant.

   Pour en venir à une qualification plus agréable du rouge, celui destiné aux lèvres, on doit remarquer que Furetière en faisait déjà état, parlant d’un « un fard dont les femmes se colorent les jouës & les levres. Cette femme se met du rouge. Il y a du rouge en feuille qu'on appelle rouge d'Espagne ; d'autre rouge en liqueur, qui est un extrait de tonture d'escarlate. »

   Les archéologues, toujours à l’affut du petit détail montrant qu’ « homo sapiens » n’a pas attendu notre époque anthropocène pour se distinguer des autres mammifères, auraient retrouvé des preuves qu’en Mésopotamie les dames se soulignaient les lèvres d’une potion avec de la cire d’abeille… Bien sûr, Cléopâtre aurait fait montre  de « modernité » dans ce domaine avec un mélange de cochenilles et d’œufs de fourmis – quel fabricant de cosmétiques oserait proposer cette formule en 2023 ?

   Longtemps, le rouge à lèvres, surtout s’il était assez voyant, fut réservé aux « mondaines », si ce n’est aux dames de petite vertu… La reine Victoria n’admettait pas de rouge à lèvres à la cour, mais quelques décennies plus tard, Winston Churchill trouvait que voir des femmes aux lèvres rouges remontait le moral de ses troupes ! La preuve ? Lorsque Marilyn Monroe partit en Corée en 1954, sa bouche était d’un carmin éblouissant, qui ravit les Gi’s – comme il le fit plus tard avec John Kennedy…

   Le rouge, qu’il soit sur les lèvres ou sur les joues, a donc toujours été considéré comme un élément de séduction. S’il y a quelqu’un qui s’y connaissait et qui savait mettre l’élégance au premier plan, c’est bien Coco Chanel, qui conseillait aux femmes : « Si vous êtes tristes, mettez plus de rouge à lèvres et attaquez ! »

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