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Souvenirs

(PR) – « Avoir de nouveau à l’esprit quelque chose qui appartient à une expérience passée », nous dit le Robert. Mais pourquoi donc le choix de ce mot cette semaine ? Parce qu’il m’est venu en tête dès que j’ai entendu les informations concernant les événements qui se déroulent en Israël et à Gaza. Je me suis retrouvé, en quelques secondes, cinquante ans plus tôt, le 6 octobre 1973, lorsque débuta ce que l’on allait appeler la « Guerre du Kippour ».  Pour des souvenirs, ce sont vraiment des souvenirs…


   Très brièvement, je dirai que c’est d’abord un souvenir très personnel puisque, ce jour-là, je me mariais ! Mais très vite, les préoccupations professionnelles allaient reprendre le dessus sur les festivités. J’allais donc suivre, au jour le jour, cette nouvelle guerre entre Israël et les pays arabes voisins.

   Depuis quelques jours, je revis cette période en ayant une pensée pour mes consœurs et confrères qui, en ce moment, vont être jour et nuit à l’affût du moindre événement, qu’ils soient sur le terrain ou dans leurs rédactions. Dans ce genre de circonstances, le souci de l’information est prioritaire, et il fait augmenter le taux de l’adrénaline qui irrigue les veines de tout journaliste. Le terme de «vivre un moment historique » n’est alors pas galvaudé…

   A dire vrai, pour le « mot » de cette semaine, j’avais d’abord songé à « réminiscences ». Mais après avoir lu la définition – « retour à l’esprit d’un souvenir non identifié comme tel » – je me suis dit qu’il n’était pas assez fort : mes souvenirs, eux, sont bien identifiés !

   Il y a un demi-siècle, la première évidence qui s’est vite imposée à nous était que nous n’allions pas revivre ce que nous avions connu six ans plus tôt lors de la guerre dite « des six jours ». L’assaillant avait changé de camp, Israël ne portait plus les premiers coups, mais devait les encaisser ! Ils venaient de deux côtés : au nord-est, la Syrie lançait ses chars sur le Golan, menaçant de descendre sur la Galilée ; au sud-ouest, l’Egypte franchissait la barrière du Canal de Suez, où les Israéliens avaient pensé avoir établi, avec la « ligne Bar Lev », un rempart infranchissable…

   Tout cela avait donc commencé un samedi 6 octobre, qui plus est le jour sacré du Kippour où tout déplacement est interdit – mais l’assaillant n’observe pas forcément les mêmes règles… Cette année, en 2023, on était à la veille du shabbat, où l’on est censé rester chez soi. Là encore, les chefs du Hamas n’ont pas choisi au hasard cette date…

   En écoutant les analystes  d’aujourd’hui disserter sur les lacunes des services de renseignement israéliens – ils se sont manifestement « plantés » en ne voyant rien venir d’une opération qui, vu son ampleur, aurait dû être repérée – mes souvenirs m’ont ramené cinquante ans en arrière. Une fois les menaces écartées et les ennemis repoussés, la vie démocratique israélienne avait alors justement repris ses droits. En janvier 1974, dans un article envoyé à mon journal depuis Tel Aviv, je faisais état de la « chasse aux mehdalim ». De quoi s’agissait-il ? De retrouver les « négligences »,  les failles dans le système du renseignement, qui avaient permis aux assaillants égyptiens et syriens de menacer l’existence même de l’Etat hébreu. Du coup, Golda Meir avait dû limoger quelques responsables du Mossad.

   Souvenirs encore ? Quatre ans et quelques jours plus tard, le 19 novembre 1977, je voyais Anouar el-Sadate débarquer à Jérusalem, et dire « plus jamais la guerre entre nous ». Il allait même faire la bise à Golda, qui venait d’être grand-mère. Là, j’arrête mes souvenirs… Mais aura-t-on demain d’autres Golda et Anouar ?

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