Agneau
(PR) – « Petit de la brebis », dit tout simplement le Larousse, et le Robert n’est pas plus disert. Je dois quand même préciser que les deux dictionnaires font tout de suite réfé-rence à « l’agneau pascal », « nom que les Hébreux donnaient à l’agneau qu’ils immo-laient tous les ans pour commémorer le passage de la mer Rouge ». Nous y voici, la Pâque juive étant célébrée cette année le 5 avril. Les chrétiens vont embrayer di-manche prochain pour leur Pâques, où « l’agneau de Dieu » est aussi célébré – et « sa-crifié »…
La « Semaine sainte », qui a débuté hier avec le dimanche des Rameaux, est une période importante pour la chrétienté. Elle se déroule selon un scénario qui aurait pu être réalisé par Cecil B. DeMille, dans le style de son film célèbre « Les Dix Com-mandements ».
On commence par une scène que le re-porter Saint-Jean magnifie : « La grande foule apprit que Jésus arrivait à Jérusa-lem ; ils prirent des branches de palmiers et sortirent à sa rencontre. Ils criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui celui qui vient, le roi d’Israël ». On peut imaginer ce que le réalisateur américain aurait pu en faire…
La suite on la connaît : le jeudi, Jésus par-tage un dernier repas avec ses disciples ; il y a, là encore, des rebondissements ciné-matographiques : Judas qui mérite bien son nom ; Pierre qui se renie avec ce foutu coq qui chante trois fois – est-ce pour cela que l’on prend un malin plaisir à le mettre à la casserole (le coq, bien sûr) ?
Heureusement, tout se termine bien : après le sinistre vendredi qui voit Jésus expirer sur le Golgotha, le dimanche est celui de la Résurrection. Pour une fois (ou presque) dans les Evangiles, ce sont des femmes qui ont le beau rôle, puisque ce sont elles qui vont découvrir le tombeau vide et annoncer la bomme parole : Il est ressuscité !
C’est pour célébrer ce retour à la vie – comme le faisaient les Hébreux qui, en passant la mer Rouge, quittaient leur es-clavage en Egypte pour regagner leur Terre promise – les chrétiens ont fait de l’agneau le symbole du Christ.
Du coup, à Pâques, outre les lapins et les cloches en chocolat, on déguste volontiers un bon gigot d’agneau. En Bourgogne, on a même une recette spéciale dite du « gigot de sept heures ». Sept heures pour mijoter un véritable délice…
On fait comment ? Résumé : il faut un bon gigot, piqué d’ail, saisi à feu vif dans une sauteuse jusqu’à ce qu’il soit bien colo-ré ; cela va durer une bonne heure. On le retire, on met dans la cocotte un mirepoix de légumes, un bouquet garni, qu’on fait revenir à feu doux ; tout cela dure encore une bonne heure, puis on remet le gigot, on déglace avec du vin blanc (du chablis, par exemple) sans lésiner ; on enfourne en-suite à 160 degrés ; on laisse mijoter pen-dant au moins trois heures en arrosant ré-gulièrement, avec un fond de viande.
Le résultat est une viande qui pourrait amener les « végans » à abjurer leurs mauvaises pensées. Elle se déguste presque à la cuillère, avec une bonne mousseline. L’ami Jean Millot, auquel j’ai piqué la recette dans son « Voyage gustatif en Bourgogne », recommande de l’accompagner d’un Savigny-lès-Beaune – j’en connais qui ne seraient pas contre…
Je ne sais si Antoine Furetière, dans son « Dictionnaire universel » de 1690, con-naissait la recette, mais, pour lui, l’agneau est « l’hyeorgliphe de l’homme paisible, simple & debonnaire ». Il parlait de blasons, pas de cuisine !