top of page

Censure

(PR) – « Mise en cause de la responsabilité politique du gouvernement à l'initiative des parlementaires, qui se manifeste par une motion de censure ou un refus de confiance. » Le Larousse définit parfaitement ce qui menace aujourd’hui le gouvernement de Madame Elisabeth Borne, avec deux motions de censure qui n’ont qu’un but, pour leurs initiateurs, faire payer à la première ministre (et donc au président Macron) le passage en force avec le 49.3 pour adopter sans vote la (très) controversée réforme des retraites.


   Le principe de base de toute démocratie parlementaire qui se respecte est, en effet, que le parlement peut signifier son opposition à la politique gouvernementale en votant contre lui par le biais d’une « motion de censure » ; laquelle, théoriquement, oblige l’autorité supérieure (président pour les républiques, souverain pour les monarchies) à lui trouver un successeur.

   Selon les pays, il peut même s’agir d’une motion de censure « constructive », c’est-à-dire qu’elle oblige les initiateurs à prévoir déjà un remplaçant au chef du gouvernement avant d’entamer leur procédure ; il y  de quoi compliquer la recherche d’une solution et donc de freiner les ardeurs !

   En bonne logique, une motion de censure acceptée peut déboucher sur des élections législatives anticipées. Cette perspective peut donc conduire à une certaine prudence de la part des parlementaires. Car s’ils tiennent à leur fauteuil (ce qui est compréhensible), ils peuvent hésiter, surtout en période troublée, à le remettre en jeu alors qu’ils ne sont pas certains de le retrouver…

   Dans son désormais célèbre « Dictionnaire universel » de 1690, Antoine Furetière ne connaissait pas la censure par motion. Et pour cause, la monarchie louis-quatorzième était loin d’être parlementaire. Il affirmait que la censure signifie « la correction ou reprimende que fait un superieur ou le public. Il faut déférer à la censure de nos superieurs, de ceux qui sont plus sages que nous ». Je n’ai pas besoin d’insister pour dire que les temps ont bien changé !

   Il y a une autre signification du terme « censure », celle qui s’applique bien évidemment aux publications en tout genre, et donc (selon les régimes ou les circonstances) à la presse. La censure fut d’abord religieuse, et dans ce domaine toutes les religions firent preuve de beaucoup de zèle – et cela continue !

   Les journaux, forme originale de la presse – le nom dit bien ce qu’il veut dire – furent de tout temps soumis aux ciseaux d’Anastasie. Vous ne connaissez pas cette dame ? Elle est apparue en 1874 dans une caricature à la « Une » d’un journal satirique, « L’Eclipse ». Il s’agissait d’une sorte de mégère armée d’une énorme paire de ciseaux, afin de  couper tout ce qui ne plaisait pas au pouvoir…

   En ce qui me concerne, j’ai connu ma première confrontation avec la censure lors des « événements » du Liban, il y a juste cinquante ans. Il fallait, pour pouvoir envoyer son « papier », passer par le bureau adéquat où, une fois l’article contrôlé et accepté, on pouvait ainsi trouver un téléphone ou un télex pour le faire parvenir au journal susnommé. Au bout de quelques jours, la situation se calmant, Anastasie rangea ses ciseaux, qui n’étaient, il est vrai, pas très aiguisés !

   Il y a un mot équivalent à la « censure » en matière de presse : le « caviardage », qui consiste à noircir les passages indésirables. Je ne suis pas un fanatique du caviar, donc va pour Anastasie, le prénom est charmant, si la pratique ne l’est pas !

bottom of page