Conseil
(PR) – « Réunion de personnes qui délibèrent, donnent leur avis sur des affaires publiques ou privées », nous disent les deux dictionnaires de référence. Cette semaine, les avis d’un certain « Conseil » vont retenir toute l’attention du monde politique et syndical français. En effet, ce vendredi 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la loi réformant les retraites, qui agite (euphémisme…) la République depuis plusieurs mois déjà. Alors, conseil « apaisant » ou « pyromane » ? Je ne prendrai pas de pari…
En France, le président de la République est parfois qualifié de « monarque républicain » (comme le disait Maurice Duverger). Certes, du temps de la royauté, les « conseils » dont disposait le monarque ne manquaient pas. Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, Antoine Furetière se plait à les énumérer : d’abord le « Conseil d'enhaut, est un Conseil où sont traittées les affaires dont le Roy veut prendre connoissance en personne », mais aussi le « Conseil d’Estat », le « Conseil ordinaire des finances », le « Conseil des despeches », sorte de ministère des affaires étrangères. Il y en avait encore bien d’autres, mais aucun qui puisse contester l’action royale !
Il fallut, en fait, attendre la constitution de la Cinquième République, en 1958, pour qu’un organe suprême vienne coiffer tout le dispositif institutionnel. Et encore, le général De Gaulle, qui ne voulait pas plus d’une « République des juges » que d’une « République des partis », se contenta, d’une sorte de « Conseil des sages » – le surnom leur est d’ailleurs resté.
Dans le premier Conseil constitutionnel, siégeaient les deux prédécesseurs du général, Vincent Auriol et René Coty, censés apporter la « sagesse » de ceux qui avaient occupé les plus hautes fonctions – encore que, sous la Quatrième République, ils n’étaient vraiment pas des « monarques républicains ». La situation ne se répètera qu’une seule fois, lorsque Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac se retrouvèrent de part et d’autre du Président du Conseil, Jean-Louis Debré. Les deux anciens locataires de l’Elysée ne s’adoraient pas – c’est le moins que l’on puisse dire – et cela donna lieu, paraît-il, à quelques échanges feutrés mais acides… Pareille situation ne se reproduira plus, les anciens présidents actuels (Nicolas Sarkozy et François Hollande) ayant décidé de ne pas y siéger.
Le Conseil constitutionnel est donc placé, cette fois, devant une équation à plusieurs inconnues : il peut laisser passer la loi comme une lettre à la poste (c’est peu probable, surtout vu l’état du courrier actuellement…); il peut s’amuser (!) à refuser certains aspects de cette réforme, et, à partir de là, tout est possible.
Une seule chose semble certaine : la décision du Conseil ne devrait satisfaire personne ! Les clivages apparus dans la classe politique tout comme dans l’opinion laissent à penser qu’il y aura du travail pour les juristes de tout bord qui vont disserter avec moult arguments ; tout comme pour les journalistes qui vont en faire autant…
On risque donc bien de faire une nouvelle crise « d’infobésité », soit la « surabondance d’informations imputée aux chaînes d’information en continu, aux nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphones portables, messageries, réseaux sociaux) et à la dépendance qu’elles créent chez l’utilisateur », phénomène auquel j’avais consacré un « mot » le 22 juin 2020.
Il y a un confrère, Thomas Legrand, qui a su résumer dans « Libération » la situation en quelques mots bien sentis et plein de bon sens : « Le Conseil constitutionnel n’est pas une ardoise magique » ! C’est bien vrai, ça…