Grève
PR) – Si l’on était en période estivale, je choisirais pour le mot « grève » la première définition du Robert : « terrain plat formé de sables et de graviers, situé au bord de la mer ou d'un cours d'eau ». Mais ce jeudi d’hiver, la « grève » dont il va être question en France – et ce n’est sans doute qu’un premier tour…– répond plutôt à la seconde définition : « cessation volontaire et collective du travail décidée dans un but revendicatif ». Comme je le disais dans mon « mot » précédent sur la « retraite », on devrait avoir de l’agitation…
Le phénomène de la grève sociale est relativement récent. On ne sait pas, bien sûr, si du temps de Lascaux les décorateurs de la « Chapelle Sixtine de la préhistoire » n’ont pas menacé par moment d’interrompre leur magnifique travail pour avoir un peu plus de bison dans leur gamelle compte tenu des conditions difficiles dans lesquelles ils exerçaient leur art… Il paraît, par contre, que des ouvriers construisant la pyramide de Chéops se seraient mis en grève vers 2558 avant notre ère pour protester contre la modification de leurs rations alimentaires. Apparemment, cela ne les a pas empêchés de terminer leur ouvrage – mais ils n’avaient pas de CGT, FO, CFDT et autres syndicats.
Bien sûr, j’ai cherché dans le « Dictionnaire universel » de l’ami Antoine Furetière quelle était sa définition de la « grève », mais, en 1690, il ne connaissait que la « plage unie & sablonneuse » et précisait qu’à Paris, la « Grève » était une « place publique où se font les exécutions de criminels ». Alors, comment en est-on arrivé à la signification actuelle du mot ?
Ladite place, située où se trouve l’actuel Hôtel de Ville de la capitale française, était un des lieux où des embarcations venaient décharger diverses marchandises que des embarcations apportaient sur la Seine. C’était donc l’endroit où des « journaliers » venaient chercher à se faire embaucher. Du coup, ils « faisaient grève ».
Mais cela ne les empêchait pas de manifester régulièrement contre des rétributions qu’ils estimaient insuffisantes, ou des conditions de travail qu’ils jugeaient trop difficiles. La « grève » est donc devenue progressivement l’équivalent d’une forme de revendication, laquelle prit de l’ampleur au fur et à mesure de l’industrialisation croissante au dix-neuvième siècle.
Selon les pays, selon leur histoire et l’évolution des rapports sociaux, la « grève » peut prendre des formes diverses, des rythmes différents, mais il est vrai que la France a longtemps mérité une médaille d’or dans ce domaine… On attend de voir ce qu’il en sera pour la préparation des JO de 2024 !
Toujours en France, on a su inventer des types multiples de « grève » : elle peut être « solidaire » (c’est bien le moindre !), « tournante » (une signification à manier avec prudence…), « perlée » (c’est joli, non ?), ou encore « du zèle » (là, les douaniers d’aéroport connaissent…). Il y a bien sûr celle qui est « sauvage », laquelle peut s’accompagner de « piquets » avec occupation de lieu de travail. Pour marquer le mouvement, on va alors brûler des pneus et des palettes et, quand il fait beau, faire griller des saucisses…
Les citations concernant le mot « grève » abondent. Françoise Giroud relevait qu’en France les négociations commencent « après les grèves et non avant » ! La plus cynique revient à Coluche pour qui « les syndicalistes ont tellement l’habitude de ne rien faire que lorsqu’ils font grève, ils ap-pellent cela une « journée d’action… »