Turquerie
(PR) – « Tableau, œuvre représentant ou évoquant des Turcs, des scènes turques », nous dit le Larousse. On peut penser que, ce lundi, les médias, qu’ils soient écrits, radiodif-fusés ou télévisés, vont être pleins de « turqueries » ! Hier en effet avaient lieu des élections présidentielle et législatives dans ce pays de la « Sublime Porte », qui joue un rôle important sur la carte du monde. Avec un « sultan » qui n’est pas sûr de retrouver son trône. Et, à partir de là, tout est possible…
Déjà depuis l’époque romaine, cette ré-gion a marqué l’histoire et suscité beau-coup d’intérêts. Il faut dire qu’elle est située à cheval entre l’Europe et l’Asie, au carre-four des routes qui mènent depuis le nord de l’Europe, au sens très large du terme, vers les Proche et Moyen-Orient.
Les Romains, qui tenaient à ce que la Méditerranée soit leur « Mare nostrum » mirent mis la main sur Byzance, cette ville qui commande l’accès à la Mer Noire en contrôlant le Bosphore. L’empereur Cons-tantin en fit même sa capitale en 324. Constantinople allait devenir une nouvelle Rome, alors que la Ville originelle cédait sous les coups des « barbares », qui commencèrent, à cette époque, à dépecer l’empire romain d’Occident.
Après une période d’apogée, l’empire romain d’Orient, dit « byzantin », commen-ça à décliner jusqu’à ce qu’en 1453 les troupes du sultan Mehmet s’emparent de Constantinople et établissent progressive-ment l’Empire ottoman. Lequel va com-mencer à intéresser les pays de l’Occident puisque le roi François Ier multiplia les mis-sions afin d’établir une alliance avec lui. Son objectif ? Trouver un partenaire pour contrer les Habsbourg, qui menacent la France de l’époque. L’empire ottoman était déjà implanté dans les Balkans, et Soliman « le magnifique » devenait donc quelqu’un avec qui on pouvait parler. Ce fut fait avec un échange d’ambassadeurs, et, du coup, commença un attrait pour les « turque-ries » – l’exotisme fait toujours recette…
Les relations entre la France et la Turquie ne furent toutefois pas toujours idylliques. En 1669, Louis XIV reçoit à Versailles So-liman Aga, envoyé spécial du sultan Meh-med IV. Le Roi-Soleil sort le grand jeu, met son plus beau manteau couvert de dia-mants. Mais cela n’impressionne pas le diplomate turc, qui manquait toutefois de réserve diplomatique puisqu’il aurait dit après cette rencontre : « Dans mon pays, lorsque le Grand Seigneur se montre au peuple, son cheval est plus richement orné que l'habit que je viens de voir. »
La Cour pouffe discrètement, mais Louis XIV, lui, est furieux. Il va vouloir se venger de ce malotru et des courtisans qui ont osé se moquer. Il a sous la main un certain Molière, qui va en trousser une comédie, « Le Bourgeois gentilhomme », jouée en 1670 où il ridiculise les « turqueries » de-venues à la mode. Il sera aidé par son complice Jean-Baptiste Lully, à la musique d’une « turquerie » pleine de talent…
Peu de temps après, dans son « Diction-naire universel » de 1690, Antoine Fure-tière n’y va pas, lui, de main morte pour définir la « turquerie » : « Maniere d'agir cruelle & barbare, comme celle dont usent les Turcs. La cruauté que ce creancier exerce à l'égard de son debiteur est une vraye turquerie ». Quelques siècles plus tard, Coluche ne sera guère plus agréable : « Je parle un peu le turc, mais que sous la torture… »
Alors, essayons de nous amuser avec les « turqueries ». Demandons-nous, par exemple, si le sultan Erdogan, même s’il est fort comme un… Turc, ne va pas finir, après vingt ans de domination dans un bain …turc. Ce serait alors fort de café… turc !