(PR) – « Accumulation excessive de véhicules qui gêne la circulation ; embouteillage », nous dit le Larousse pour définir un phénomène qui se reproduit souvent sur les routes des vacances ; à l’aller comme au retour, comme cela a été le cas ce week-end, et le sera aussi la prochaine fin de semaine. Honnêtement, je suis sûr que vous vous attendiez sans doute à ce que je choisisse une autre définition pour ce mot ! Attendez…
Notre ami Antoine Furetière, dans son dictionnaire de 1690, ne connaissait pas les encombrements autoroutiers. Pourtant, une trentaine d’années plus tôt, Nicolas Boileau avait dénoncé « les embarras de Paris » ! Furetière, lui, parlait de « ce qui sert à boucher quelque chose. Les bouchons de liege d'Angleterre bouchent fort juste, & empêchent que les esprits les plus subtils ne s'exhalent ».
Dans les « bouchons » routiers de notre siècle, les « esprits » qui s’exhalent ne sont pas forcément les plus subtils ! Il y a tout d’abord le CO2 qui contribue un peu plus au réchauffement de l’atmosphère dont on a eu l’occasion, cet été tout spécialement, de constater la véracité. Il y a également les pensées (plus ou moins exprimées) des automobilistes qui se disent « mais qu’est-ce qu’ils foutent là, tous ces c… ? »
Eh bien, ils ne font que regagner leur domicile après l’avoir quitté en sens inverse deux ou trois semaines plus tôt. C’est parce qu’il va y avoir bientôt le rendez-vous de la « rentrée », celle des petits dictant la plupart du temps celle des grands.
A l’origine du « bouchon » routier, il y a une évidence : on ne peut pas faire passer plus de tant de voitures à l’heure sur un itinéraire donné, parce que même avec des autoroutes à six voies, il y a un moment où il faut franchir le goulot de la bouteille… C’est alors que se forme le « bouchon »…
On retrouve ce phénomène dans toutes activités humaines, lorsqu’il s’agit du déplacement : le matin et le soir, pour gagner les métros et les bus dans les grandes agglomérations ; lors des départs en vacances dans les aéroports – j’en ai passé du temps à expliquer que l’on ne peut pas, non plus, multiplier les aérogares et les avions !
Finalement, les seuls « bouchons » que l’on apprécie volontiers – on en arrive aux autres définitions du mot… – ce sont avant tout ceux qui ferment le col d’une bouteille contenant un cru (plus ou moins grand, qu’importe) que l’on aura le plaisir de déguster après avoir subi les tracasseries autoroutières.
Pourquoi pas, justement, en quittant l’autoroute pour s’arrêter dans un de ces « bouchons » lyonnais qui ont fait la réputation de la capitale des Gaules. D’où vient cette appellation ? Certains experts pensent que cela viendrait du fait que l’on s’occupait de « bouchonner » le cheval du gourmet pendant qu’il dégustait de la « cervelle de canut » ou du « tablier de sapeur » ; ceci, à l’aide, nous dit Furetière, « de plusieurs morceaux de foin ou de paille tortillés, avec quoy on panse un cheval, & on le frotte »
Plus généralement, il s’agirait en fait de la manière dont les tenanciers d’une petite auberge signalaient leur activité en accrochant à leur devanture une botte de rameaux en forme de boule, ce qui coûtait moins cher que de faire réaliser une enseigne en fer forgé. L’essentiel était que le beaujolais – l’autre fleuve de Lyon – n’ait pas, lui, le « goût de bouchon »…
Pour conclure, il faut en revenir à Furetière, qui signale que « bouchon » est aussi « un nom de cageollerie qu'on donne aux petits enfants, aux jeunes filles de basse condition. Mon petit coeur, mon petit bouchon. » Cela, Bison fûté ne le dit pas en annonçant les « bouchons »…