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Le mot de la semaine "Empereur"

(PR) – « Détenteur du pouvoir suprême dans l’Empire romain ; chef souverain de certains Etats appelés empires » ; la seconde partie de la définition du Robert ne pourrait-elle pas s’appliquer à celui qui triomphe cette semaine au vingtième congrès du parti communiste chinois ? Xi Jinping, en effet, ne règne-t-il pas depuis dix ans sur « l’Empire du milieu » (ainsi que l’on qualifiait la Chine bien avant qu’elle ne soit rouge), et, sauf énorme surprise, ne va-t-il pas « rempiler » ?  


   Du temps de la Rome républicaine, le titre d’imperator était accordé à un général vainqueur, mais c’était une distinction, pas une fonction. Une fois qu’il avait reçu sa couronne de lauriers, il rentrait tranquillement dans sa « villa ». Cela devait changer avec Auguste qui, lui, devint vraiment le patron absolu et ouvrit la voie à nombre de futurs empereurs, qui ne furent pas tous exemplaires, tant s’en faut.

   Après Rome, dans le monde, une bonne vingtaine d’Etats furent, au long de l’Histoire, dirigés par des « empereurs » sous différentes appellations, parfois dérivées de « césar » comme ce fut le cas de « kaiser » ou de « tsar ». Là aussi, il y eut de tout, le titre impérial ne garantissant pas forcément une grande vertu…

   Il n’y a pas eu beaucoup d’exemples féminins, donc d’impératrices qui gérèrent vraiment leur empire. L’une des plus notables fut Catherine II de Russie (tiens, tiens…), qui réussit à renverser en 1762 son mari Pierre III, à le faire emprisonner, et à le faire exécuter. Madame de Staël, philosophe et épistolaire (dont le château de Coppet au bord du Léman vaut la visite) en tira une conclusion d’une actualité frappante : « la Russie est un despotisme tempéré par la strangulation ». Il serait intéressant de savoir ce qu’elle penserait aujourd’hui de la Russie de Stalpoutine…

   Parmi les « empereurs » que nous avons connus, il y en eut un qui fut – c’est le moins que l’on puisse dire – assez cocasse, pour s’en tenir aux apparences. Il s’appelait  Jean-Bedel Bokassa. Cet ancien capitaine des troupes coloniales françaises, devenu, à la suite d’un coup d’Etat, le deuxième président de la République centrafricaine, décida d’accéder à la dignité impériale. Dans son cas, le terme de « dignité » est sans doute exagéré… Toujours est-il que son « couronnement », le 4 décembre 1977, où il essaya de parodier amplement celui de son idole Napoléon Ier, allait atteindre le paroxysme du ridicule.

   On n’en est pas là dans la Chine de 2022, même si, depuis des mois, voire des années, tout est fait pour que celui qui était qualifié de « prince rouge » lors de son accession au pouvoir il y a dix ans, devienne un véritable « empereur » – le titre n’existe plus, mais... Dans son « Dictionnaire universel » de 1690, notre ami Antoine Furetière avait cette définition : « Monarque absolu qui commande à un grand pays ».

   Tout y est, non ? La Chine est bien un grand pays, le plus peuplé sur notre globe ; la deuxième puissance économique ; une armée qui ne cesse de se renforcer ; quant au « monarque », il cumule tout : Etat, armée et parti – ce qui est l’essentiel dans le système que Mao Tsé-toung a mis en place et proclamé le 1er octobre 1949.

   On le sait, Xi Jinping n’a qu’une obsession, c’est d’être l’« Empereur » de la première puissance mondiale lorsqu’elle dépassera les Etats-Unis. Dommage, on préférerait le voir comme le véritable « Dernier empereur » du superbe film de Bertolucci, ce Puyi qui finit son existence comme jardinier… Cela aurait ravi Voltaire, voisin à Ferney de Madame de Staël, qui voyait Candide « cultiver son jardin ». Mais Xi est tout sauf candide…

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