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Le mot de la semaine "Escalade"

(PR) – « Action de passer par-dessus (une clôture) pour pénétrer », nous dit le Robert, et le Larousse précise que ce mot provient du latin « scala », ou échelle. Pour certains de mes lecteurs, cela semble bien anodin. Mais pour les Genevois, « l’Escalade » que l’on célèbre ce 12 décembre n’a rien du tout d’anodin. A tout point de vue. Pour le comprendre, il faut remonter quatre cent vingt ans en arrière…

En 1690, toujours dans son « Dictionnaire universel » l’ami Antoine Furetière avançait une définition de l’Escalade qui définissait parfaitement ce que la République genevoise (qui n’était pas encore un canton suisse) avait vécu quelques décennies plut tôt : « Assaut qu'on donne brusquement avec des eschelles à une ville qu'on veut surprendre. Les villes ne se prennent plus gueres par escalade, depuis qu'elles sont flanquées. »

Antoine n’avait certainement pas été mis au courant de ce qui s’était passé, au tout début du dix-septième siècle, bien loin de Paris (à l’époque, il n’y avait ni avion ni TGV…) à propos de cette ville qui, avec Calvin, était devenue une sorte de « Rome du protestantisme ».

On résume : Charles-Emmanuel, duc de Savoie, aimerait bien mettre la main sur cette cité sise à la sortie du lac Léman, ce qui lui permettrait d’agrandir ses territoires, et de bâillonner une ville « hérétique » D’autant plus que Genève est déjà une plaque tournante du commerce, donc intéressante. Il décide alors de tenter un « coup », de s’emparer de cette ville par un raid nocturne, à une époque où les nuits sont longues, longues… Un siège aurait été trop coûteux, d’autant plus que Genève aurait pu être ravitaillée par le lac.

On arrive ainsi à cette nuit du 11 au 12 décembre 1602 où une troupe de quelques 2000 « Savoyards » (en réalité pour la plupart des mercenaires espagnols, napolitains ou piémontais), arrive au pied des remparts de la ville. A partir de là, commence le récit d’une « Escalade » qui tourna au fiasco pour les assaillants, puisque leurs échelles furent balancées dans le vide par des défenseurs. Mais les combats firent quand même dix-huit victimes dans les rangs genevois avant que les troupes « savoyardes » ne se retirent, au grand dam du duc de Savoie. L’affaire se conclut un an plus tard par un traité qui reconnut l’indépendance de la ville.

   Tout ceci fait partie de l’histoire « officielle », justifiant l’attachement que les Genevois portent à la célébration de « l’Escalade ». Mais ce n’est pas tout ! Il manquerait une pièce importante à ce récit historique, si l’on ne parlait pas de la « Mère Royaume ». Lyonnaise d’origine, ayant fui avec son mari les persécutions visant les protestants, elle se serait fait remarquer pour avoir jeté sa marmite de soupe sur les assaillants savoyards !

   Grâce à elle, chaque année autour du 12 décembre, des milliers de marmites – en chocolat – sont sacrifiées au cri de « Ainsi périssent les ennemis de la République » en souvenir du geste héroïque de la « Mère Royaume ». Sans elle, la fête de « l’Escalade » ne serait pas tout à fait ce qu’elle est, symbole d’une volonté d’indépendance.

   Dans le monde entier, on a connu des « escalades » par milliers qui se sont plus ou moins bien terminées. Dans un conflit qui se tient sur notre continent, on ne cesse de craindre qu’une bavure quelconque conduise à une « escalade » entre les deux blocs qui se font face. Quelle « Mère Royaume » pourrait arrêter Stalpoutine ?

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