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Le mot de la semaine "Réveillon"

(PR) – « Repas de fête que l’on fait la nuit de Noël ou le 31 décembre », le Larousse et le Robert sont d’accord sur la définition. D’ailleurs, notre ami Antoine Furetière, dans son « Dictionnaire universel » de 1690 avait déjà le même avis, puisqu’il parlait d’un « repas qu'on fait au milieu de la nuict, aprés avoir veillé, dansé, joüé. On l'appelle à la Cour media-noche, à la ville un reveillon. »  Il ne citait ni Noël ni la Saint-Sylvestre, mais on peut penser que cela allait aussi de soi…

D’ailleurs, à son époque, c’était l’Eglise catholique, apostolique et romaine qui ré-gissait les faits et gestes pour les pays dont elle était la religion officielle, donc dans le royaume de France. Il fallait attendre d’avoir assisté à la « messe de minuit » pour avoir le droit de s’attabler afin de cé-lébrer la venue du Messie.

A partir de là, selon la classe sociale, la table était plus ou moins garnie, avec des particularités régionales. Comme les Amé-ricains le font à l’occasion de leur « Thanksgiving Day », la dinde était (en France) souvent un mets très apprécié. Elle avait l’avantage de pouvoir rassasier une tablée importante, et de mijoter tran-quillement dans le four pendant l’office…

Il y en a un qui avait failli être privé de réveillon, c’est dom Balaguère, chapelain des « Trois messes basses », conte su-perbe d’Alphonse Daudet dans les « Lettres de mon Moulin ». Le brave cha-pelain expédia un peu vite les trois offices qu’il devait célébrer. Il faut dire que son clerc, Garrigou, manipulé par Satan, ne cessait de lui susurrer les mets délicieux qui l’attendaient. Il y avait même les fa-meux « treize desserts » puisque l’on était en Provence.

Dom Balaguère résista autant qu’il le put, mais il fit la faute d’oublier un « credo » et un « pater ». Il arriva certes à temps au réveillon, mais il se baffra tellement qu’il finit par succomber. Daudet se montrait, là, très moraliste et il aurait pu participer à la prévention routière en usage de nos jours : n’abusez pas du réveillon…

Et encore, celui de Noël, que nous ve-nons de vivre, peut être nimbé d’un peu de spiritualité. Mais alors, que dire du prochain réveillon, celui qui va nous ouvrir les portes de l’année 2023 ? Certes, il se déroule pour la fête de Sylvestre, dont le mérite est d’avoir été le 33e pape, mais qui n'a pas dû faire de festivités le 31 décembre, puisque c’est le jour de son décès.

C’est, en fait, avec la Belle Epoque à la fin du dix-neuvième siècle, que les festivi-tés à l’occasion du changement d’année ont pris une importance de plus en plus grande, et ce quel que soit le niveau social. Les menus du « réveillon » de la Saint-Sylvestre se sont parés d’huitres ou de foie gras, le champagne va couler à flots, et les restaurateurs ne manquent pas d’imagination pour se distinguer – au prix fort, bien évidemment !

Avec les plaisirs du palais, il y avait pour pouvoir s’amuser, à une certaine époque, les accessoires jugés indispensables à tout « réveillon », baptisés « cotillons » : des serpentins, chapeaux, confettis censés aider à l’animation de la soirée. Le plus amusant est que les « cotillons » étaient à l’origine les jupons de flanelle portés par les paysannes (dixit le Larousse). L’occasion pour les bourgeoises, de d’encanailler…

S’il y en a un qui n’a pas droit au réveil-lon, c’est bien le Père Noël, trop occupé pour cela. Et, comme le fait remarquer Francis Blanche dans ses « Pensées », « quand il rentre à la maison, c’est au mois de mai, ce n’est plus la saison ! »


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