(PR) – « Voyage, périple qui conduit dans les principaux lieux d’une région, d’un pays, d’un continent, etc. : faire un tour d’Europe ». Le Larousse donne une définition assez fidèle de ce qu’est (un peu) devenu le « Tour de France », lequel, depuis déjà quelques décennies, a pris l’habitude de quitter l’Hexagone. La preuve, cette année, il est parti du Danemark et fera une incursion en Suisse. La « Grande Boucle » fait désormais des lacets… Henri Desgrange, qui la créa en 1903, n’y avait certainement pas pensé !
Pas plus, d’ailleurs que notre ami Nicolas de Furetière qui, dans son « Dictionnaire universel » publié en 1690, définissait ainsi un « tour » (à une époque où l’on ne connaissait évidemment pas les « vélocipèdes ») comme un « petit voyage que l’on fait en quelque lieu » …
Pour un « petit voyage », les concurrents du premier « Tour » furent servis : du 1er au 19 juillet 1903, ils avaient 2’428 km à parcourir en six étapes ! Le départ eut lieu devant un café du sud de la région parisienne, le « Réveil-Matin » à Montgeron. Direction Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et retour à la capitale, à l’époque pas encore sur les Champs-Elysées, mais au « Parc des Princes ».
Les cinquante-neuf valeureux coureurs qui participèrent à cette première édition n’avaient, évidemment, aucune idée de ce qu’allait devenir cette course. Pourtant, dans un éditorial du journal « L’Auto », organisateur de l’épreuve, Henri Desgrange (lui-même ancien cycliste et recordman du monde de l’heure) affirmait qu’ainsi « allaient être lancés à travers la France les inconscients et rudes semeurs d’énergie que sont nos grands routiers professionnels ».
Professionnels, les « grands routiers » le sont aujourd’hui. Il est bien fini le temps où, en 1913, Eugène Christophe, dit « le Vieux Gaulois », dut forger lui-même la fourche cassée de sa bicyclette afin de pouvoir continuer sa course ! C’est d’ailleurs le même qui, en 1919, lors d’une étape qui se terminait à… Genève, porta le premier maillot jaune désignant le leader de l’épreuve.
La couleur en avait été choisie en référence à celle du papier sur lequel était imprimé le journal « L’Auto », lointain prédécesseur de « L’Equipe ». Mais Eugène Christophe ne gagna jamais le « Tour ». Tout comme Poulidor, chouchou du public, qui, lui, en plus, ne porta jamais le fameux « paletot », sur lequel étaient inscrites les initiales « HD » en hommage au créateur de l’épreuve – aujourd’hui, la publicité les a chassées…
Avant que la télévision ne fasse grandir encore le succès du « Tour », la presse écrite fit ses choux gras de cet événement qui tombait au bon moment : le mois de juillet, depuis les « congés payés » instaurés en 1936, permettait, à celles et ceux qui découvraient enfin les « vacances », d’aller applaudir ces drôles de types que notre confrère Albert Londres avait baptisés les « Forçats de la route » …
Le monde politique s’est également toujours intéressé au « Tour », où il fallait être vu. Même Charles de Gaulle se posta au bord de la route à Colombey-les-Deux-Eglises, le 16 juillet 1960, pour voir passer les coureurs. Lesquels s’arrêtèrent pour lui rendre hommage – ce fut la première et la dernière fois qu’un président y eut droit !
Edgar Faure, l’un des « humoristes » du monde politique de la Quatrième République, époque où les gouvernements ne duraient pas très longtemps, avait l’habitude de dire : « Enfin le Tour, nous allons être tranquilles ». On peut se demander si cette phrase ne trottine pas aujourd’hui dans la tête d’un certain président…